Je n’écris pas avec un plan, un objet, une discipline, des horaires.
J’écris tout le temps, avec le chauffeur de taxi, sous le regard d’Ophélia,
dans les revues sexy, dans les rues à chiens.
J’écris en lisant Reeves, Jacob, Duras.
J’écris en ayant peur à l’Odéon de ce public dans lequel je baigne,
comme si c’était moi qui allait jouer cette pièce que je vais voir.
J’écris la nuit avant de dormir, comme un aveugle
parce que ma nuit est déjà commencée,
mais que la frontière laisse apparaître des images qui sont peut-être des idées.
J’écris en train, en hôtel, en coulisses, au café, surtout au café le matin quand les idées sont fraîches, qu’elles ont envie de galoper.
Je ne veux pas l’image d’abord. Je veux l’idée et après les images.
[2 décembre 1984]
Ph. A
Autoportrait inattendu
Philippe Avron, comédien, auteur interprète, homme d’une rare générosité publique, d’une luminosité rayonnante, doté d’une capacité de joie communicative hors du commun, fut un exceptionnel “passeur d’humanité”.
Tous ceux qui l’ont connu se souviennent de ses premiers pas sur la scène du Festival d’Avignon et du TNP avec Jean Vilar, de son interprétation bouleversante de L’Idiot au Théâtre de l’Atelier, du célèbre duo Avron et Evrard constitué avec son ami Claude Evrard, de son personnage lunaire de Fifi la plume dans le film d’Albert Lamorisse, ou encore de ses rôles importants dans les spectacles de Benno Besson Dom Juan, Le Cercle de craie caucasien, Hamlet…
Ils se souviennent aussi des nombreux spectacles solitaires qui lui valurent plusieurs Molières : Ma Cour d’Honneur, Big Bang, Dom Juan2000, Je suis un saumon, Le Fantôme de Shakespeare, Rire fragile, Mon ami Roger…
Certains se souviendront, sans doute à jamais, de sa dernière prestation, en juillet 2010, au Théâtre des Halles d’Avignon : Montaigne, Shakespeare, mon père et moi, spectacle chargé d’une émotion extrème qu’il dû interrompre pour terminer là, à bout de force, à la fois sa carrière et sa vie.
Né en 1928 d’une famille de marins, il avait passé son enfance entre Le Croisic, Sangatte, Le Havre, Bordeaux et Saint-Malo. Après une licence en Droit et un certificat de Psychologie, il était devenu éducateur dans un centre pour enfants caractériels. Durant ses loisirs, il avait écrit trois romans pour adolescents : Patrouille ardente, Le Coup d’envoi, et La Fringante. Avec les enfants, il avait jugé nécessaire d’utiliser la pratique théâtrale (il avait fait le conservatoire de Bordeaux) et, cherchant des "méthodes psychomotrices nouvelles", s’était retrouvé chez Jacques Lecoq qui venait d’ouvrir une école à Paris. Il ne devait jamais oublier ni ces sources, ni cette formation.
Depuis ses débuts, Philippe Avron n'a cessé de remplir des “carnets” personnels par des notes, réflexions et dessins, installant ainsi une conversation permanente et singulière avec lui-même. En cinquante années d'écriture, ce sont plus de… 19.000 feuillets qui lui ont permis de fixer ses espoirs, ses joies, ses angoisses, ses découvertes, ses questionnements. 19.000 pages qu'il avait entrepris de faire dactylographier, afin d'en tirer, un jour peut-être, un ouvrage.
« Ce qui m’intéresse, ce n’est pas de trouver un être exceptionnel, mais de trouver l’exceptionnel qui est dans l’être. La chose unique, le geste, la voix, le texte. Faudra pressurer tout ça comme le raisin pour faire peut-être un livre pas énorme, plein d’exemples de vie, d’humour, d’observation, de constatations philosophiques douces » écrivaitt-il en mars 1997.
Parce qu’il n'a pas eu le temps de mener à bien ce projet ; parce que ces textes représentent une mine de témoignages et de réflexions sur la vie d'un artiste et sur sa vie d'homme ; parce qu'ils constituent un autoportrait inattendu, mais qu'ils tracent aussi l'histoire d'une époque, nous avons voulu faire aboutir son travail, dans la plus grande fidélité à son esprit, en offrant au lecteur l'essentiel de ces Carnets, pour un voyage singulier sur ce “bateau-vie”.
Sa femme Ophélia Avron, qui lui fut un soutien permanent et qui signait parfois la mise en scène de ses spectacles, a rassemblé les manuscrits. Laurence Guérin - que nous tenons à remercier ici - en a choisi une part significative. Toutes deux ont établi la première sélection des extraits. Rodolphe Fouano a revu l’ensemble des textes auquel il a donné la forme définitive.
Nous sommes restés fidèles aux notes qui composent le manuscrit, en respectant la syntaxe et le niveau de langue, les interventions se limitant à quelques corrections, les carnets n’ayant pas été relus par l’auteur. Les aménagements de structure et de ponctuation sont conformes au rythme de l’écriture de Philippe Avron
Nous avons précisé parfois en italiques les noms ou prénoms des personnes citées.
Nos remerciements vont aux Editions de L’avant-scène et à la SACD, qui ont permis que cet ouvrage soit publié.
Nous dédions cette publication à la mémoire d’Ophélia Avron, qui a tant voulu que ce livre existe. Elle nous a quittés, le 2 octobre 2013.
Les amis de Philippe Avron *
* Ont contribué à la réalisation de cet ouvrage : Bernard Avron, Jean Bauné, Jean-Gabriel Carasso, Jean Chollet, Pauline Davranche-Carasso, François Volard
312 pages (textes, dessins, photos)
Prix de vente : 20 €
(envoi inclus en France métropolitaine)
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